Lieder avec orchestre
Les clés de l'œuvre
Date et lieu
Nés à Vienne entre 1815 et 1828 ; orphelins dès 1828, adoptés par d’illustres pères (Berlioz, Brahms, Liszt, Strauss, Britten…).
Époque
Romantique
Taille
Entre 2 et 5 minutes chacun
Dimensions
Variables selon les pères d’adoption, du petit orchestre à cordes au grand orchestre symphonique.
Signe distinctif
Représentent la synthèse de l’art du lied schubertien et des talents d’orchestrateur de ses successeurs.
Ce que nous aimons
La grande diversité des couleurs musicales et poétiques.
Nous vous conseillons
Tout le reste de la famille des lieder de Schubert : 600 frères et sœurs tout de même… dans leur version originale pour voix et piano, ou orchestrés.
Il y aura toujours deux catégories d’auteurs : ceux qui savent qu’ils se grandissent en exprimant leur gratitude, et ceux qui ne pardonnent pas le bien qu’on leur a fait.
Ce pourrait presque être un paradoxe. Alors que le lied, tel que « défini » par Schubert en 1814 dans son Gretchen am Spinnrade [Marguerite au rouet] marquant la naissance du genre, appelle l’intimité, la suavité d’une relation de confidence et de confiance entre un chanteur et son pianiste, voilà que ce lied se retrouve propulsé sur scène par l’intermédiaire d’un orchestre.
Tout ce que l’on a pu nous apprendre sur cette musique de l’intime réservée au cadre du salon, qui a fait florès lors des schubertiades, se trouve tout à coup remis en cause par cette transformation.
Cette transformation n’est pas anodine. D’un point de vue technique, elle pourrait faire penser aux traductions dans une langue étrangère : comme le traducteur, le transcripteur doit procéder à des choix, à des compromis, tout en se coulant dans la peau d’un autre pour extraire l’essence de son œuvre.
On en vient à se demander : Pourquoi transcrire ? Pourquoi remettre en cause la suprématie que Schubert, malgré ses talents de symphoniste, a accordé au piano pour ses quelques 600 lieder ? Si la réponse classique est que la transcription permet de favoriser la circulation des œuvres, on voit tout de suite ici la limite de cette justification.
Night and Sleep
Simeon Solomon - Birmingham Museums Trust
En quoi est-il plus facile de faire circuler une partition qui ne demande, telle quelle, qu’un chanteur et un pianiste ? C’est sans doute Jacques Drillon qui, avec l’exemple de Liszt, fournit la clé la plus juste, à savoir « le désir, et l’appropriation. C’est-à-dire : l’amour et la possession. Liszt […] ne peut voir de la beauté sans l’aimer, sans la désirer. Qu’il s’agisse d’un poème, qu’il met en musique, d’un paysage, d’un livre, d’une toile, d’une sculpture, il les prend, au deux sens du mot, et les rend au monde, fécondés ».
Deuxième naissance, donc, qui, selon les cas, révèle le potentiel dramatique déjà contenu dans les lieder de Schubert (Erlkönig, par exemple, où la chevauchée prend des couleurs encore plus tragiques par l’intervention des cordes), ou, à l’inverse, élargit les couleurs de la palette sonore. On comprend que Liszt, Berlioz, Reger, Weber ou Britten se soient livrés à cette activité.
Dans les deux cas, il s’agit d’un hommage de musicien à musicien, qui fait penser à ces exercices d’admiration par lesquels les Grecs payaient en littérature leurs dettes aux générations précédentes en faisant leur éloge.
Comme le dit l’écrivain Pierre Assouline : « Il y aura toujours deux catégories d’auteurs : ceux qui savent qu’ils se grandissent en exprimant leur gratitude, et ceux qui ne pardonnent pas le bien qu’on leur a fait ». À l’évidence, les transcripteurs font partie de la première catégorie. Un joli merci.
Isabelle Stibbe
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