Chapitres
Messe en ut, opus 86
Les clés de l'œuvre
Date et lieu
Le 13 septembre 1807, à Eisenstadt
Époque
Pré-romantique
Taille
50 minutes environ
Dimensions
Chœur, orchestre et quatuor de solistes (soprano, alto, ténor, basse)
Signe distinctif
La seule messe de Beethoven pour la liturgie, que ne pourra servir la monumentale Missa solemnis.
Ce que nous aimons
Le souvenir des Lumières dans une œuvre pleine d’élans humanistes.
Nous vous conseillons
Haydn, Harmoniemesse, la Missa Solemnis de Beethoven.
Je vous remettrai la messe avec émoi, votre altesse ayant été accoutumée aux chefs-d’œuvre inimitables de Haydn.
Lorsqu’il reçoit en 1807 la commande d’une messe, Beethoven réside à Vienne depuis quinze ans. Dans la cité impériale, il a créé ses quatre premières symphonies, autant de concertos pour piano, deux opus de quatuors, une vingtaine de sonates, sans compter son opéra Leonore – version primitive de Fidelio.
Soutenu par de nobles mécènes – les princes Lichnowsky et Lobkowitz, le comte Razoumovski –, il n’en affirme pas moins son image de créateur indépendant.
Déjà certains voient en lui le plus grand musicien d’Europe, rôle longtemps reconnu à Haydn, lui-même retiré du monde mais toujours en vie. La rivalité entre les deux hommes remonte à l’installation viennoise de Beethoven. Lorsqu’il gagne à vingt-deux ans la capitale autrichienne, l’étudiant suit les leçons de l’aîné.
Cordiales au premier abord, les relations se tendent peu à peu. Haydn raille l’entêtement de son élève, vient à l’aide de ses finances mais corrige superficiellement les devoirs. Hanté par l’ombre du maître, Beethoven paranoïaque conclut au sabotage, et prend ses distances.
Biddende monnik
Johannes Christiaan d'Arnaud Gerkens - Rijksmuseum
L’affaire semble classée quand le prince Nicolas II Esterhazy lui demande une messe pour la fête de son épouse Marie von Lichtenstein, le 13 septembre.
Or, l’aristocrate hongrois appartient à la dynastie qui emploie Haydn depuis un demi-siècle. Officiellement maître de chapelle, ce dernier a lui-même produit six messes pour la princesse. Vierge dans ce domaine, comme toute une génération de musiciens pour qui l’église a perdu son prestige, Beethoven retrouve les sueurs froides de sa jeunesse.
La Messe en ut opus 86, chantée le jour prévu dans le domaine des Esterhazy à Eisenstadt, s’avère néanmoins une réussite. Le public viennois la découvre en mars suivant, lors d’un concert où voient le jour les cinquième et sixième symphonies. On chercherait en vain, dans l’ouvrage liturgique, l’audace de ces pages révolutionnaires. Au contraire, son classicisme sans faute, où chœur, solistes et orchestre tiennent une conversation digne des Lumières, atteste l’envergure du métier beethovénien.
Kyrie : le quatuor vocal – soprano, alto, ténor et basse seuls – se détache doucement d’harmonies chorales pleines d’empathie, dont s’émeuvent les bois. Trompettes et timbales soutiennent l’effusion du Gloria. Tout juste un voile sur « toi qui enlèves le péché du monde », vite levé par l’humble supplique « entends notre prière ».
Plus loin, le Miserere suspend les voix passées a cappella, avant le retour en force de l’orchestre – « car toi seul est saint ». Mêmes contrastes dans le Credo lancé sur un motif trépidant, plein de figuralismes : Et incarnatus à nu des solistes, montées mélodiques sur Et ascendit, retours obstinés de l’Iterum venturus – « il reviendra »…
La tendresse du Sanctus – timbales en sourdine pour le « seigneur des armées » – tranche avec l’élan du Pleni sunt, avant le dépouillement d’un Benedictus au souffle infini. L’Agnus dei, obscurci par moments, s’achève en apothéose à l’invocation de la paix – Dona nobis pacem.
Luca Dupont-Spirio
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