Chapitres
La Nuit des Rois
Rédaction : Cora Joris et Muriel Prouet (p. 2 et 10)
Introduction
Programme
ROBERT SCHUMANN (1810 – 1856)
Vom Pagen und der Königstochter (« Le Page et la fille du roi »)
Der Sängers Fluch (« La Malédiction du chanteur »)
Nachtlied (« Chant de la nuit »)
Requiem für Mignon (« Requiem pour Mignon »)
Solistes
Le Page, le Jeune Homme – Ric Furman
La Narratrice – Anna Lucia Richter
Le Harpiste, le Triton – Alexandre Duhamel
Le Roi – Rafał Pawnuk
La Reine – Marie-Adeline Henry
La Princesse – Adèle Clermont
Ensembles
accentus
Insula orchestra
Direction
Laurence Equilbey
Mise en scène
Antonin Baudry
La Nuit des Rois
En mai 2021, Insula orchestra et accentus, sous la direction de Laurence Equilbey, présentent le spectacle « Schumann – La Nuit des Rois » mis en scène par Antonin Baudry.
Les quatre œuvres pour orchestre, solistes et chœur de ce programme, composées par Robert Schumann au milieu du XIXe siècle, sont une incarnation de la musique romantique. Mise en scène et musique se mêlent pour transporter les spectateurs dans un univers onirique de contes avec rois, reines, meurtres et malédictions…
La Nuit des Rois
Julien Benhamou
Robert Schumann en dix points
Robert Schumann
Josef Kriehuber - Wikimedia Commons
1. Robert Schumann est un compositeur allemand du XIXème siècle.
2. Il commence sa carrière de musicien comme pianiste virtuose.
3. Il abandonne finalement le piano en raison d’une paralysie de la main qui l’empêche de jouer.
4. Il épouse Clara Wieck, fille de son professeur de piano, et elle-même grande pianiste virtuose.
5. C’est sa femme Clara qui fait découvrir au public un grand nombre de ses œuvres pour piano lors de tournées en Europe.
Deux hommes contemplant la lune
Caspar David Friedrich - The Metropolitan Museum of Art
6. Robert Schumann compose principalement des œuvres pour le piano ou pour la voix.
7. Il compose aussi de nombreux lieder et quatre grandes symphonies.
8. Il compose un seul opéra, Genoveva, et s’intéresse plus largement à la musique dramatique.
9. Il est l’un des piliers du romantisme allemand.
10. Robert Schumann tombe gravement malade et souffre de troubles psychiques ; il meurt à l’âge de 46 ans.
Le romantisme
Le voyageur au-dessus de la mer de nuages
Caspar David Friedrich - Wikimedia Commons
Les contrastes de nuances mettent en valeur des sentiments qui s’opposent et l’histoire qui est racontée.
Le romantisme dans les arts
En littérature, le romantisme trouve son origine en Allemagne, dans les textes de la fin du XVIIIe siècle. Les écrivains Goethe (1749 – 1832) et Schiller (1759 – 1805) servent de modèle et inspirent les romantiques par leur rapport à la nature et à la liberté, thèmes récurrents dans la littérature du XIXe siècle.
En peinture, le romantisme s’oppose au classicisme : les formes nettes, l’équilibre et la sobriété laissent place à la couleur, au mouvement, à la passion, au drame. La grandeur, la puissance et la beauté de la nature sont souvent représentées.
En musique, les compositeurs romantiques s’expriment dans des œuvres souvent tourmentées : les contrastes de nuances mettent en valeur des sentiments qui s’opposent et l’histoire qui est racontée. L’orchestre s’agrandit et intègre de nouveaux instruments (comme le piccolo, le cor anglais, le trombone, le tuba, la grosse caisse, les cymbales…), ce qui lui donne une puissance et une sonorité nouvelles. Les œuvres prennent une dimension plus grande, principalement en raison de leur durée et de la complexité du langage des compositeurs.
Le romantisme de Schumann
La musique de Robert Schumann s’imprègne des autres arts, et principalement de la littérature : avec plus de 200 lieder, qu’il compose en cycles, il met en musique les textes des poètes de son temps, comme Heine, Rückert, Goethe… Sa musique reflète les sentiments exprimés dans les poèmes, et Schumann se libère des formes préétablies du lied : le piano n’est pas seulement accompagnateur de la voix mais joue un rôle important dans l’expressivité de ces pièces.
La Sonate à Kreutzer
René-Xavier Prinet - Wikimedia Commons
Robert Schumann compose beaucoup pour le piano. C’est un instrument qu’il connaît bien puisqu’il est lui-même pianiste, mais il est contraint d’interrompre sa carrière d’instrumentiste en raison d’une paralysie de la main droite (il se serait blessé en essayant d’étirer sa main à l’aide d’une machine de son invention). Cependant, il continue à expérimenter et composer pour le piano, notamment grâce à sa femme Clara Wieck, elle-même grande pianiste, qui interprète ses œuvres. Schumann développe ainsi une musique qui mêle virtuosité, inventivité, et qui fait appel à la fois aux traditions des compositeurs précédents et à un imaginaire poétique et romantique.
Robert Schumann travaille sur le timbre des instruments pour lesquels il écrit : ses pièces de musique de chambre sonnent comme un petit orchestre, mais c’est surtout dans ses quatre symphonies qu’il développe une grande expressivité. Ses œuvres comportent parfois une dimension narrative (Symphonie n° 3 « Rhénane »), c’est-à-dire qu’elles évoquent une histoire, des personnages ou des images, même si elles ne se basent pas sur un texte ou sur des paroles.
La musique dramatique de Schumann
An Angel Holding a Carafe on a Plate
David-Pierre Giottino Humbert de Superville - Artvee
Mais Schumann compose également des musiques dramatiques : avec son oratorio Le Paradis et la Péri (1843) par exemple, il rassemble orchestre, chœur et chanteurs solistes, et développe un style qui rappelle à la fois son écriture pour piano seul d’une part, et pour voix dans ses lieder d’autre part.
Avec son unique opéra Genoveva (1850), Schumann resserre encore les liens entre musique et texte. C’est lui qui écrit le livret : chevaliers, croisades, château, fantôme et drame amoureux composent l’univers médiéval de l’œuvre.
Cependant, l’accueil par le public de Genoveva n’est pas très chaleureux, et Schumann abandonne le genre de l’opéra. Il poursuit cependant sont travail autour de la musique vocale dramatique, notamment avec le conte musical féérique Le Pèlerinage de la rose (1850-1851), ou avec les Scènes de Faust (1844-1853), d’après le texte de Goethe, œuvre musicale jamais éditée ni jouée intégralement du vivant de Schumann.
Les œuvres du programme
Francesca da Rimini
William Dyce - Artvee
Ce sont deux des quatre ballades dramatiques que Schumann compose autour de 1850. Les textes sont nourris de légendes qui mêlent univers médiéval, magie, féérie, fantastique…
Le Page et la fille du roi et La Malédiction du chanteur
Le Page et la fille du roi raconte l’histoire d’amour impossible entre un page et une princesse, l’un et l’autre follement amoureux mais que leur condition oppose. Le roi découvre leur liaison et tue le page. S’en suit alors une scène fantastique, où les êtres de l’eau récupèrent le corps du page et font une harpe avec ses os. La musique qu’ils jouent avec cet instrument résonne jusqu’au palais où la Cour célèbre le mariage de la princesse avec un inconnu. Cette musique si profonde et perçante bouleverse la fête, effraie le roi et le futur marié qui prennent la fuite, et brise le cœur de la princesse.
Le compositeur fait à nouveau appel à son effectif favori pour des œuvres dramatiques : un chœur, des chanteurs solistes et un orchestre symphonique en guise d’accompagnement. Les solistes incarnent chacun un personnage, et le chœur représente la foule, l’assemblée qui acclame et approuve les paroles du roi. Une voix soliste d’alto se fait narrateur : c’est elle qui structure le texte, en décrivant les personnages et le décor.
La narration est donc au premier plan. Les chanteurs mettent en avant le texte, et l’orchestre illustre des éléments de l’histoire : les cors résonnent pour évoquer la partie de chasse sur laquelle s’ouvre l’œuvre, la harpe domine tout l’orchestre pendant le passage chez les êtres de l’eau, la musique se fait joyeuse et festive au début du mariage… Pourtant, Schumann réalise un équilibre subtil et surprenant : la plus grande part expressive de l’œuvre se trouve à l’orchestre : les cordes se font plaintives lors de la mort du page et décrivent musicalement sa disparition, l’orchestre entier illustre le mystère qui se dégage de cette histoire, et la fin de la ballade sonne comme une musique funèbre.
Des Sängers Fluch
Eduard Ille - Wikimedia Commons
L’histoire de La Malédiction du chanteur évoque aussi la musique, d’une manière encore plus présente que dans la ballade précédente. En effet, elle est au centre du récit : c’est elle qui soigne le cœur et l’âme de la reine en souffrance, depuis la bouche du jeune troubadour. Le jeune chanteur fait si bien vibrer les cordes de sa harpe et émerveille tant la reine que celle-ci tombe en extase. Le roi, jaloux et insensible, tue le troubadour afin que la musique ne résonne plus entre les murs de son château.
Dans cette ballade, on assiste à une mise en abyme : les ballades chantées par le troubadour sont explicitement proposées par Schumann, comme une sorte de « ballade dans la ballade ». À nouveau, la harpe est présente ; elle évoque directement la figure médiévale du troubadour qui chante en s’accompagnant lui-même avec cet instrument.
L’orchestre se fait toujours expressif : la colère et la violence du roi contraste avec les passages paisibles du chant du jeune troubadour, et la guérison de la reine existe aussi musicalement, puisqu’une véritable progression est menée du début de sa première intervention jusqu’à son duo exalté avec le troubadour.
Nachtlied, chant de la nuit en français, évoque la nuit, les étoiles, une lueur mystérieuse…
Nachtlied
L’orchestre, rejoint par le chœur après une brève introduction, illustre en musique le décor du poème : des longues notes tenues se dégage un chant qui semble émerger des profondeurs de la nuit, et les flûtes, accompagnées des cordes aigues, font entendre le scintillement des étoiles. Le mystère se fait inquiétant, avec des intervalles tendus, dans une atmosphère sombre. Les voix d’hommes et de femmes sont séparées en plusieurs groupes qui se répondent de manière de plus en plus intense, pour représenter la « nuit qui enfle ».
Le poème évoque ensuite une « vie gigantesque » qui « s’élève » du cœur du narrateur : l’expressivité prend alors toute la place, dans un tumulte souligné par les timbales. La fin du poème décrit l’apaisement et l’arrivée du sommeil : Schumann semble alors écrire une berceuse. Les voix d’hommes et de femmes fusionnent et font entendre des sonorités délicates, auxquelles répondent clarinette, hautbois, cor, comme en écho. La musique disparaît peu à peu, sur les pizzicati des cordes ; Schumann suit ainsi la structure du poème en trois strophes et illustre musicalement les nuances du texte.
Death and Life
Gustav Klimt - Artvee
Requiem pour Mignon
Un requiem est, en musique, une messe des morts, que l’on joue et que l’on fait entendre lors des enterrements. Ici, le chant funèbre retentit pour Mignon, une enfant innocente et pure que la mort a emportée. Le chœur, dont les quatre voix dialoguent entre elles, annonce l’arrivée de Mignon et se lamente : « sois parmi nous la bienvenue ! Nous t’accueillons avec tristesse ! ». Dès les premières notes, Schumann fait entendre le côté magistral et sacré du requiem : les voix entrent successivement, avec gravité, sur des notes très éloignées les unes des autres, et le rythme lent et pesant du début rappelle une marche funèbre.
Pourtant, la solennité laisse peu à peu place à des sonorités plus lumineuses, à la harpe par exemple, qui semble évoquer le décor céleste du poème, ou encore avec les interventions de quelques chanteurs solistes. Cette évolution se retrouve aussi dans le texte : l’émerveillement face à l’enfant succède à la désolation initiale, et le poème se transforme en une ode à la vie : « Allons ! Retournons vers la vie ! ». La liesse se fait entendre, avec le chœur en tutti, accompagné par un orchestre vigoureux et porté par les timbales ; enfin, le Requiem pour Mignon s’achève avec apaisement et sérénité.
Music investigation - Schumann, La Nuit des Rois
2021
La mise en scène de La Nuit des rois
La Nuit des Rois
Julien Benhamou
Antonin Baudry, ancien diplomate, auteur de la bande-dessinée Quai d’Orsay et réalisateur du film Le chant du loup, a utilisé la trame narrative des œuvres de Schumann pour concevoir une mise en scène qui accorde une large place à la vidéo avec un univers visuel et des costumes qui évoquent le Moyen-Âge (époque à laquelle se déroule les deux ballades Le Page et la fille du roi et La malédiction du chanteur) tout autant que la période romantique (époque à laquelle elles ont été composées par Schumann).
Des deux ballades jusqu’au Chant de la nuit qui clôt le spectacle dans une sorte d’apesanteur poétique, se déploient des images vidéo sur un tulle géant, devant et derrière lequel jouent les différents personnages (page, narratrice, roi, reine, princesse…).
La Nuit des Rois
Julien Benhamou
La Nuit des Rois
Julien Benhamou
Très inspiré par la force poétique et romanesque des œuvres de Schumann, le metteur en scène interroge la place de la musique et de l’art face au pouvoir politique. Les vidéos nous plongent dans un univers proche du rêve, inspiré de l’enfance et des contes.
« Sur fond de châteaux inquiétants se détachant sur des reliefs escarpés et de mers déchaînées, des serments d’amour sont murmurés, des jalousies explosent, des meurtres sont commis auxquels répondent des apparitions fantastiques et des malédictions implacables » (extrait de la note d’intention du metteur en scène).
L’orchestre est placé sur scène, comme un protagoniste de l’histoire, au même titre que les chanteurs du chœur qui se déploient à divers endroits de la salle au fil du spectacle.
Autres ressources associées
Contenu lié
La Nuit des Rois
Les cuivres dans La Nuit des rois
Le Roi de la Nuit
Réouverture de La Seine Musicale
Schumann, La Nuit des rois
Schumann, La Nuit des Rois
Bibliothèque
Retrouver les ressources associées à cette œuvre dans notre bibliothèque numérique.Vous aimerez aussi
Dans le même thème