Chapitres
Symphonie n° 7 « Inachevée » D. 759
Les clés de l'œuvre
Date et lieu
Mise en couveuse en 1822, pour n’en sortir que le 17 décembre 1865 à Vienne, bien après la mort de Schubert.
Époque
Romantique
Taille
25 minutes
Dimensions
Raisonnables malgré une naissance avant terme : orchestre symphonique avec bois par deux, cuivres par deux et trois trombones, cordes et timbales.
Signe distinctif
Laissée inachevée par Schubert : seules deux parties sur quatre ont été terminées.
Ce que nous aimons
Sa facilité à passer d’une émotion à l’autre : de la douleur à la tendresse, du désespoir à la rêverie…
Nous vous conseillons
Deux pendants de l’art schubertien de la symphonie :
la Symphonie n° 4 en ut mineur dite « Tragique », et la Symphonie n° 9 en ut majeur dite « La Grande ».
Ainsi l’amour et la douleur se partageaient mon âme.
Et si la symphonie « inachevée » de Schubert était en réalité achevée ? Question iconoclaste, s’écrieront certains. Les indices en faveur d’un travail incomplet n’abondent-ils pas ?
Considérons d’abord la structure : deux mouvements au lieu des quatre parties habituelles. La date de composition, ensuite : l’année 1822 correspond à cette période charnière vécue par Schubert, ces « années creuses », pour reprendre les termes de Brigitte Massin, où d’autres partitions s’arrêtent net sans que le musicien n’arrive à les pousser jusqu’à leur terme – la faute peut-être au désarroi suscité par la découverte de sa syphilis. Ainsi en va-t-il de sa Cantate sur la mort de Lazare ou du quatuor à cordes Quartettsatz.
Le style, enfin : alors que les précédentes symphonies de Schubert étaient fortement influencées par Mozart ou Haydn, celle-ci devient véritablement personnelle, les deux mouvements terminés explorant des voies si nouvelles qu’on ne saurait aller plus loin dans la perfection. Et pourtant…
Si cette perfection tenait précisément à cet inachèvement, le rendant, par une dialectique subtile, achevée, comme une œuvre perpétuellement en cours, éternellement riche de tous les possibles ? Le propre de la condition humaine, en somme, et de ses ambivalences.
A Dream Of Latmos
Sir Joseph Noel Paton - Artvee
À moins qu’elle ne soit un rêve. Car la composition (et les blocages) de la Symphonie n° 7 coïncident avec le texte « Mon rêve » écrit par Schubert. Un étrange objet littéraire et fantasmatique, où le compositeur évoque sous forme symbolique et poétique les clefs de sa création : conflit avec le père, nostalgie d’un paradis perdu, solitude, exil, errance, deuil, amour, douleur…
Un exemple : « Pour la seconde fois, je portai mes pas vers les pays lointains, le cœur plein d’un amour infini. Longtemps, longtemps, je chantai des lieder. Quand je voulais chanter mon amour, il devenait douleur ; — quand je voulais chanter ma douleur, elle devenait amour ; — mon amour et ma peine se partageaient mon cœur ».
De ce texte affleure quelque chose de proustien : un rapport au temps, à la mémoire, où la rêverie se mêle aux perceptions du présent ou aux réminiscences du passé.
Alors, symphonie inachevée, achevée ou rêve proustien ? Peut–être le mystère ne sera-t-il jamais résolu. Reste l’essentiel : l’émotion suscitée par ce « pur diamant tombé d’un ciel de charbon ».
Isabelle Stibbe
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