Chapitres
Beethoven – Farrenc #1
Rédaction : Cora Joris.
Introduction
Œuvres
Louise Farrenc – Symphonie n° 1
Louise Farrenc – Symphonie n° 3
Ludwig van Beethoven – Concerto pour Violon
Distribution
Alexandra Conunova, violon
Insula orchestra
Laurence Equilbey, direction
Insula orchestra, sous la direction de sa cheffe d’orchestre et fondatrice Laurence Equilbey, devait donner deux représentations du programme « Beethoven-Farrenc » à l’Auditorium de La Seine Musicale les 4 et 5 mars 2021 avec le Concerto pour violon de Ludwig van Beethoven – interprété par la soliste Alexandra Conunova – et la Première Symphonie de Louise Farrenc.
La crise sanitaire et la fermeture des lieux culturels n’ont malheureusement pas permis au public de découvrir ces oeuvres. En lieu et place de ces concerts, l’orchestre s’est tout de même réuni, sans public, pour répéter et enregistrer les Symphonies n° 1 et 3 de Louise Farrenc, grande compositrice du XIXe siècle injustement oubliée.
Cet enregistrement a donné lieu à une diffusion sur ARTE concert le 8 mars 2021 ainsi qu’à un disque chez Warner Classics. Ce livret vous permettra d’en apprendre davantage sur ces trois œuvres de la période Romantique et leurs compositeurs.
Insula orchestra
Julien Benhamou
Farrenc en dix points
Louise Farrenc
Louise Farrenc - Wikimedia Commons
1. Louise Farrenc, née Louise Dumont, est une compositrice et pianiste française du XIXème siècle.
2. Très jeune, elle étudie auprès de professeurs de piano et de composition renommés comme Hummel ou Reicha.
3. Elle épouse Aristide Farrenc, un flûtiste et éditeur de musique, qui publie ses œuvres en créant les Éditions Farrenc.
4. Entre 1842 et 1872, elle enseigne le piano au Conservatoire de Paris, avec un statut officiel de professeure, ce qui était très rare pour une femme à l’époque.
5. Elle doit cependant se battre de longues années pour obtenir l’égalité salariale.
Misia au Piano
Theodore Robinson - Wikimedia Commons
6. Elle a la charge de la classe féminine de piano, puisqu’à l’époque, les classes d’instruments n’étaient pas mixtes.
7. Elle publie de nombreux recueils pédagogiques pour le piano qui sont adoptés par le Conservatoire comme modèle d’enseignement.
8. Elle compose principalement pour le piano, mais elle écrit aussi des œuvres de musique de chambre, des œuvres pour voix et trois symphonies.
9. Elle connaît un grand succès de son vivant ; elle a l’estime et le soutien de nombreux musiciens et elle reçoit plusieurs prix pour ses œuvres.
10. Aujourd’hui, ses œuvres sont peu jouées.
Beethoven en dix points
Portrait de Beethoven
Joseph Karl Stieler - Wikimedia commons
1. Ludwig van Beethoven est un compositeur allemand de la fin du XVIIIème siècle et du début du XIXème siècle.
2. Il est né en Allemagne mais a vécu à Vienne, en Autriche, presque toute sa vie.
3. Il commence sa carrière comme virtuose du piano avant de se consacrer à la composition.
4. Avec Wolfgang Amadeus Mozart et Joseph Haydn, il représente le style musical viennois.
5. Il fait partie des derniers compositeurs de la période classique mais on le considère aussi comme l’un des premiers compositeurs romantiques.
Der Hohe Markt in Wien
Raimund von Stillfried - Wikimedia Commons
6. Il souffre de problèmes d’audition et devient sourd à l’âge de 27 ans.
7. Dans la plupart de ses œuvres, son style musical est tourmenté et dramatique.
8. Il compose neuf symphonies, dans lesquelles il agrandit l’orchestre et développe une puissance musicale qui inspire et impressionne tous les compositeurs du XIXe siècle.
9. Il compose également de nombreuses pièces pour piano, des œuvres de musique de chambre, des concertos et des œuvres vocales. Il compose un seul opéra.
10. Il est l’un des compositeurs les plus joués aujourd’hui, et certaines de ses œuvres sont très connues, comme la Symphonie n° 5, ou encore la Symphonie n° 9 et son hymne à la joie dans le dernier mouvement.
Le XIXème siècle, le siècle du romantisme
Femme devant le coucher de soleil
Caspar David Friedrich - Wikimedia Commons
Dans le romantisme, c’est l’artiste qui s’exprime, qui exprime ses émotions et ses sentiments, qui fait parler son âme .
Le romantisme est un courant artistique qui naît à la fin du XVIIIe siècle et qui dure jusqu’à la fin du XIXe siècle. Le romantisme place le sentiment au cœur de l’œuvre d’art, aussi bien en peinture, en littérature, en sculpture, en danse et en musique.
Dans le romantisme, c’est l’artiste qui s’exprime, qui exprime ses émotions et ses sentiments, qui fait parler son âme : la figure de l’artiste prend donc une importance nouvelle. Il fait appel à l’imaginaire : le rêve, le fantastique, la magie, le merveilleux…
En littérature, le romantisme trouve son origine en Allemagne, dans les textes de la fin du XVIIIe siècle. Les écrivains Goethe (1749 – 1832) et Schiller (1759 – 1805) servent de modèle et inspirent les romantiques par leur rapport à la nature et à la liberté, thèmes récurrents dans la littérature du XIXe siècle.
En peinture, le romantisme s’oppose au classicisme : les formes nettes, l’équilibre, la sobriété laissent place à la couleur, au mouvement, à la passion, au drame. La grandeur, la puissance et la beauté de la nature sont souvent représentées.
En musique, les compositeurs romantiques s’expriment dans des œuvres souvent tourmentées : les contrastes de nuances mettent en valeur les sentiments qui s’opposent et l’histoire qui est racontée. L’orchestre s’agrandit et intègre de nouveaux instruments (comme le piccolo, le cor anglais, le trombone, le tuba, la grosse caisse, les cymbales…), ce qui lui donne une puissance et une sonorité nouvelles. Les œuvres prennent une dimension plus grande, principalement en raison de leur durée et de la complexité du langage des compositeurs.
The Bard
John Martin - Wikimedia Commons
Symphonie n° 1 de Louise Farrenc
Nom
Symphonie n° 1 en ut mineur op. 32
Date de naissance
Composition en 1841, création le 23 février 1845
Lieu de naissance
Bruxelles sous la direction de François-Joseph Fétis
Durée
35min environ
Structure
4 mouvements (I- Andante sostenuto – Allegro, II- Adagio cantabile, III- Minuetto – Moderato, IV- Allegro assai)
Effectif
Orchestre symphonique (cordes – 2 flûtes – 2 hautbois – 2 clarinettes – 2 bassons – 2 cors – 2 trompettes – 2 timbales)
[…] il peut être donné à une femme de marcher avec succès dans l’épineuse et sérieuse voie des Haydn, des Mozart et des Beethoven.
Signes particuliers
Avec sa première symphonie, Louise Farrenc témoigne de ses talents de compositrice, et se place largement à la hauteur des grands noms de l’Histoire de la musique.
Quelques jours après la création de la Symphonie n° 1, on peut lire dans la presse belge : « Il résulte pour nous de l’audition de la symphonie de Madame Farrenc que, par exception à ce qui s’était vu jusqu’à ce jour, il peut être donné à une femme de marcher avec succès dans l’épineuse et sérieuse voie des Haydn, des Mozart et des Beethoven… ».
En effet, l’influence de Beethoven se fait sentir dans cette œuvre pleine de fougue. Le premier mouvement s’ouvre sur une mélodie mystérieuse aux cordes graves, dont l’aspect énigmatique est mis en valeur par les contretemps des autres instruments à cordes.
De cette atmosphère tendue émerge un chant de clarinette, sombre et résigné, mais à la grande ampleur expressive. Au fil du mouvement, l’agitation s’installe : roulements de timbales, contrastes de nuances, oppositions de groupes d’instruments (les cordes en tutti répondent avec force aux interventions de quelques bois solistes), entremêlements des voix, déséquilibres rythmiques, interruptions soudaines pour laisser la place au silence… Le rôle de la timbale, parfois quasi-soliste, rappelle l’usage de l’instrument par Beethoven une trentaine d’années plus tôt…
Scene In A Theatre
Sir Walter Westley Russell - Birmingham Museums Trust
Le deuxième mouvement, en opposition au premier, incarne le calme après la tempête, avec un chant apaisé et lumineux. Cependant, on ressent néanmoins une tension sous-jacente, comme une colère intérieure dont on devine la menace.
Cette impression se confirme dans le troisième mouvement. Traditionnellement dans le genre de la symphonie, celui-ci consiste en une danse légère et joyeuse ; ici, la danse se fait tourmentée, que même la partie centrale, plus calme, ne semble pas suffire à apaiser.
Le quatrième mouvement, enfin, achève l’œuvre dans un tumulte incroyable de l’orchestre : les cordes fougueuses sont soutenues par des timbales vigoureuses qui mènent tout l’orchestre dans un déchaînement final.
Ainsi, la Symphonie n° 1 de Louise Farrenc semble se placer dans la lignée de Beethoven, avec une fougue exaltée et tourmentée qui forme l’une des facettes du romantisme en musique.
Symphonie n° 3 de Louise Farrenc
Nom
Symphonie n° 3 en sol mineur op. 36
Date de naissance
Composition en 1847, création le 22 avril 1849
Lieu de naissance
Paris par la Société des concerts du Conservatoire, sous la direction de Narcisse Girard
Durée
35min environ
Structure
4 mouvements (I- Adagio – Allegro, II- Adagio cantabile, III- Scherzo – Vivace, IV- Finale – Allegro)
Effectif
Orchestre symphonique (cordes – 2 flûtes – 2 hautbois – 2 clarinettes – 2 bassons – 2 cors – 2 trompettes – 2 timbales)
On décèle dans cette Symphonie une certaine légèreté qui contribue à son affiliation au courant musical du romantisme.
La Symphonie n° 3 est la dernière symphonie de Louise Farrenc. C’est aussi sa symphonie la plus connue et la plus jouée aujourd’hui. Dès sa création en 1849, l’oeuvre connaît une excellente réception par le public. On peut à nouveau lire dans la presse des éloges du talent de compositrice de Louise Farrenc : son orchestration riche et son travail sur la forme et la mélodie sont particulièrement remarqués.
La Symphonie n° 3 témoigne de l’évolution du langage de Louise Farrenc depuis la première Symphonie six ans plus tôt. L’héritage beethovénien se fait encore sentir, notamment rythmiquement, avec des appuis marqués, voire martelés, souvent soulignés par les timbales.
L’énergie tumultueuse qui se dégage de l’œuvre rappelle également l’école allemande de son prédécesseur ; pourtant, on décèle dans cette Symphonie une certaine légèreté qui contribue à son affiliation au courant musical du romantisme.
Les contrastes sont très marqués, l’harmonie se fait particulièrement riche par endroits, toujours expressive, mais avec subtilité et délicatesse, un peu à la manière de Mendelssohn, compositeur allemand qui meurt l’année de la composition de cette Symphonie n° 3 de Louise Farrenc.
Les Nymphéas
Claude Monet - Wikimedia Commons
Le premier mouvement fait entendre tour à tour des passages tout en délicatesse et des thèmes victorieux, rythmés et amples. Louise Farrenc oppose à nouveau des blocs d’instruments : les cordes, ou le tutti général, répondent aux quelques bois solistes qui se distinguent du reste de l’orchestre. Si le début du mouvement paraît agité et angoissé, c’est néanmoins une véritable énergie positive qui se dégage de cette première section. La toute fin du mouvement vient pourtant confirmer une certaine tension intérieure.
Cette dualité entre deux univers expressifs se retrouve aussi dans le deuxième mouvement. Le début n’est que douceur et apaisement : les cordes succèdent aux vents, et le temps paraît comme suspendu. Mais après un grand mouvement de crescendo, le sentiment de jubilation qui se dégage alors se transforme en tension, en menace. Louise Farrenc semble jouer avec deux sentiments opposés, sans jamais affirmer pleinement l’un ou l’autre.
Dans le troisième mouvement, c’est l’angoisse qui transparaît, avec les premières notes aux cordes, très rapides, serrées, qui tournent sur elles-mêmes. La partie centrale fait entendre les cordes en pizzicati, c’est-à-dire que les instrumentistes pincent les cordes avec leurs doigts au lieu de les frotter avec un archet.
Le dernier mouvement débute sur les cordes très marquées, sans accompagnement, procédé que Louise Farrenc utilise souvent. S’en suit un véritable tumulte qui achève l’œuvre de manière dramatique.
Le concerto pour violon de Beethoven
Nom
Concerto pour violon en ré majeur op. 61
Date de naissance
Création le 23 décembre 18065
Lieu de naissance
Theater an der Wien (Vienne, Autriche), par Franz Clement au violon
Durée
45min environ
Structure
3 mouvements (I- Allegro ma non troppo, II- Larghetto, III- Rondo allegro)
Effectif
Violon soliste et orchestre symphonique (cordes – 1 flûte – 2 hautbois – 2 clarinettes – 2 bassons – 2 cors – 2 trompettes – 2 timbales)
Ses œuvres contiennent une certaine liberté débridée, pleine de contrastes, qui fait la transition entre la période classique et la période romantique.
Au tournant du siècle, Beethoven ouvre des voies nouvelles en musique. Ses neuf symphonies témoignent de sa modernité. Il réinvente la forme de la symphonie en ajoutant des mouvements, il compose pour un orchestre plus grand, plus expressif, en mettant l’accent sur les percussions… Il exprime des sentiments forts avec des œuvres qui comportent une sorte de trame narrative existe : c’est par exemple le cas de la Symphonie n° 6 dite « Pastorale », dans laquelle il exprime en musique ses impressions et sentiments face à la nature.
Dans ses sonates pour piano, Beethoven développe un travail de virtuosité instrumentale, en suivant les évolutions de la facture de l’instrument. Ses œuvres contiennent une certaine liberté débridée, pleine de contrastes, qui fait la transition entre la période classique et la période romantique. Entre 1802 et 1812, Beethoven compose des œuvres que les spécialistes définissent comme « héroïques ». Inspiré du nom que le compositeur donne à sa Symphonie n° 3 dite « Eroica », ce terme souligne l’importance de la figure du héros révolutionnaire se battant pour le triomphe de la liberté au péril de sa vie, très présente dans l’imaginaire de Beethoven, et qui se ressent dans sa musique.
Pourtant, en 1806, Beethoven compose son unique Concerto pour violon qui se distingue des autres œuvres. Tout d’abord, le Concerto est particulièrement long : 45 minutes, alors qu’à cette époque, les concertos durent environ 20min.
Mais ce qui est le plus frappant, c’est l’atmosphère sereine qui se dégage de ce concerto, avec cependant une réelle énergie sous-jacente. Là où Beethoven faisait usage de force et de puissance dans les Symphonies n°3 et n° 5, il propose ici des contrastes plus légers, dans une écriture délicate.
Concerto pour violon en ré majeur - 1ères mesures du 3e mouvement, fac-similé
Österreichische Nationalbibliothek
Beethoven réalise un équilibre surprenant entre le violon soliste et l’orchestre : en effet, contrairement aux concertos habituels, le violoniste ne fait pas preuve de virtuosité brillante et démonstrative. Il n’est pas toujours au premier plan : de longs passages sont confiés à l’orchestre, et le violoniste soliste se fait parfois accompagnateur.
Ce jeu de soliste moins démonstratif qu’à l’accoutumée dans le genre du concerto a été pensé par Beethoven pour le violoniste créateur de l’œuvre : Franz Clement. Très connu à Vienne, occupant un poste de premier violon et de chef d’orchestre au Theater an der Wien, Franz Clement est un violoniste prodige, dont le jeu instrumental est réputé pour être fin et délicat, et Beethoven s’en inspire pour son Concerto pour violon.
Le premier mouvement s’ouvre sur des coups de timbales : ce sont elles qui annoncent le thème, ce qui est très surprenant puisqu’à cette époque, les timbales n’avaient qu’un rôle percussif, en marquant seulement les temps forts. Beethoven, à nouveau, fait preuve d’originalité en leur donnant un rôle quasi mélodique.
Le deuxième mouvement propose un chant très lent et très calme, et le troisième mouvement, une danse légère et rapide, avec un refrain qui revient à de nombreuses reprises énoncé tour à tour par le violon soliste et par l’orchestre.
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