Chapitres
La Clemenza di Tito, K. 621
Les clefs de l'œuvre
Date et lieu
Le 6 septembre 1791 au Théâtre national de Prague
Époque
Classique
Taille
2h15 pour l’opéra intégral
Dimensions
Opera seria en deux actes.
Signe distinctif
L’avant-dernier opéra de W. A. Mozart et le retour du compositeur à l’opera seria, un genre qu’il affectionnait et avait travaillé dans ses opéras Mithridate, Lucio Silla et Idoménée.
Ce que nous aimons
Sa flamme et son humanité.
Nous vous conseillons
La Flûte enchantée, composée en même temps et créée quelques jours après à Vienne.
Le plus étonnant, c’est que le soir où [La Flûte enchantée] était donnée avec un tel succès pour la première fois, on donnait Titus à Prague pour la dernière fois, là aussi avec un succès extraordinaire.
« Mes Praguois me comprennent », écrit Wolfgang Amadeus Mozart en 1787, l’année de son premier séjour dans la capitale de la Bohème, autant séduit par la ville qu’elle ne l’est par lui. Avant même de s’y rendre pour la création de sa Symphonie n° 38 dite « Prague », il jouissait d’une grande popularité, le public s’étant enthousiasmé pour son opéra L’Enlèvement au sérail.
Quel contraste avec Vienne, où le compositeur vit une relation plus compliquée ! Quel baume au cœur pour le jeune musicien qui retournera trois fois à Prague, y créant notamment Don Giovanni.
C’est encore à Prague qu’a lieu la première de La Clemenza di Tito en septembre 1791, à l’occasion du couronnement du roi de Bohème, Leopold II – le frère de Marie-Antoinette. Le livret du poète Métastase a déjà servi de nombreux musiciens, dont Johann Adolph Hasse et Niccolò Jommelli.
Comme dans la tragédie classique, son ressort principal est l’amour contrarié. L’histoire s’inspire de celle de l’empereur romain Titus, qui renonce à Bérénice pour épouser une Romaine. Dans l’opéra, son choix se porte sur Servillia qui, elle, est éprise d’Annio. Dans le même temps, Vitellia, la fille de l’empereur destitué Vitellius, ambitionne de devenir impératrice, et profitant de l’amour que lui voue Sextus, le meilleur ami de Titus, elle le convainc de l’assassiner. Alors que le complot est déjoué, Titus, magnanime, pardonne aux conjurés, répondant à l’affront par la clémence.
Même si W. A. Mozart n’eut que trois semaines pour écrire son opéra, qu’il était malade, accablé par les soucis financiers et travaillait en parallèle à La Flûte enchantée (créée à la fin du mois de septembre 1791) et au Requiem, sa Clémence de Titus semble avoir été favorablement accueillie à Prague.
Ses airs sublimes, ses accompagnements élaborés et la maîtrise des ensembles en font un modèle parfait de l’opera seria, un genre qui obligeait à de rigoureuses contraintes formelles (succession d’airs reliés par des récitatifs), auxquelles W. A. Mozart s’était beaucoup plié pendant sa jeunesse, mais qu’il avait lui-même fait éclater, en particulier dans Idoménée en 1780.
L’Ouverture, un Allegro en ut majeur, écrit la veille de la création de l’opéra, réussit en quelques minutes à ordonner toutes les composantes du drame : le pouvoir souverain de Titus est traduit par des rythmes pointés et des étagements ascendants d’accords parfaits, les intrigues tumultueuses transparaissent via des rythmes syncopés voire des dissonances, tandis que les bois témoignent de la sincérité de l’amitié.
Comme souvent dans ses œuvres, Mozart sait mieux que personne mêler à une tonalité lumineuse (l’ut majeur) l’angoisse intime qui tenaille les personnages, polarisant ainsi les thèmes présents dans la Clémence de Titus : le drame intérieur et l’héroïsme.
Sextus knielt voor Titus,
Reinier Vinkeles - Rijksmuseum
Pour le rôle de Sextus, W. A. Mozart envisageait un ténor mais on lui imposa pour la création un castrat. Souvent chantés aujourd’hui par une mezzo-soprano, ses airs particulièrement expressifs traduisent les ambiguïtés, les excès et l’amour de ce personnage, écartelé entre sa loyauté à l’empereur et sa passion pour Vitellia, comme en témoigne son air de la fin du 1er acte, « Parto, parto ma tu ben mio » (Je pars, mais toi, ma bien aimée) où il répond à Vitellia qui le presse de tuer Titus.
Tout aussi virtuose est l’air « Non più di fiori » chanté par Vitellia à la fin de l’acte II. Dans ce rondo, Vitellia, émue par Sextus qui ne l’a pas dénoncée à Titus, décide de confesser la vérité à l’empereur et fait ses adieux à la vie.
Ces deux airs sont accompagnés respectivement par une clarinette de basset (« Parto, parto ») et un cor de basset (« Non più di fiori »), des instruments proches de la clarinette que Mozart affectionnait tout particulièrement.
Il y a peut-être plus : le professeur de philosophie Patrick Oliver suggère qu’en fixant à cet « instrument roturier » une place dans le théâtre du pouvoir, le compositeur « fait entendre la voix du tiers état auquel il appartient ». Une forme d’émancipation bien dans l’esprit des Lumières.
Isabelle Stibbe
Autres ressources associées
Contenu lié
Mozart, une journée particulière
Bibliothèque
Retrouver les ressources associées à cette œuvre dans notre bibliothèque numérique.Vous aimerez aussi
Dans le même thème